Le premier prototype reçoit cependant un accueil mesuré de la part de la direction de la Construction du ministère de l’Équipement. Yves Aubert qui la dirige octroie néanmoins une subvention financière modique à ce projet. Quant aux permis de construction octroyés à Jean Daladier, ils le sont à la condition que les maisons ne soient visibles de nulle part.
Robert Lion qui a succédé à Yves Aubert en juin 1969 se souvient : « En cinq ans, Yves Aubert n’avait accepté que deux propositions innovantes dont celle de Jean Daladier alors qu’il était sollicité tous les jours. Il y avait alors une opposition radicale de tout le corps administratif concernant ces dossiers. Je me rappelle encore, lorsque j’ai pris la direction de la construction, d’avoir demandé ce que cette direction avait entrepris en matière d’innovation architecturale, et de ces propos sur les maisons de Jean Daladier qui n’avaient été autorisées à la construction à condition qu’on ne les voie de nulle part ! J’en fus tellement scandalisé que j’ai commencé à chercher sans en référer à notre ministre Albin Chalandon, les voies et les moyens pour encourager en France à l’innovation architecturale et technologique. »
Une seule fois, à la fin de l’année 1969, Robert Lion et Jean Daladier se sont rencontrés à la demande de l’architecte qui l’invite à venir à Saint-Julien-du-Sault visiter « Les trois coupoles » et la seconde demeure à facettes triangulaires en cours de finition. « Je n’ai pas été assez malin pour trouver le temps de le faire », dit à regret aujourd’hui Robert Lion tout en soulignant que « l’opération de Jean Daladier fut une charnière révolutionnaire ». Charnière révolutionnaire aux yeux de l’ancien directeur pour les programmes d’architecture qui se sont développés par la suite au niveau des HLM et l’émergence d’une nouvelle génération d’architectes que ces commandes ont générée.
Jean Daladier espère trouver du soutien du côté de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la Banque de Construction et des Travaux Public. En vain. Les trois coupoles demeureront comme ses futurs prototypes, la maison à faces triangulaires et la géode, au stade de la pièce unique.
Les différents projets envisagés et auxquels concourt l’agence de Jean Daladier parmi lequel une chapelle à Haïti, un projet de village de vacances, des aires de repos et de péage pour l’autoroute Paris-Provins où l’architecte introduit les coupoles et le deuxième prototype ne sont pas retenus.
Dans la plaquette de présentation de ce dernier projet, on peut voir l’agencement des deux premiers prototypes réalisés à Saint-Julien-du-Sault et mesurer tout le potentiel de ce type d’architecture à une échelle autre que celle d’une maison particulière. (photos)
Une ouverture viendra de son ami Jean Degottex et de l’exposition « Horspaces, Horlignes » de Degottex-Daladier qui a lieu du 12 mai au 6 juin 1970 à l’ARC.
Pierre Gaudibert, créateur en 1967 et directeur de l’ARC (Animation, Recherche, Confrontation, la section contemporaine du musée d’Art moderne de la ville de Paris) a invité le peintre à exposer ses dernières œuvres. Degottex tient à y associer l’architecture et la danse.
La structure des coupoles de Jean Daladier est ainsi mise en résonances avec les œuvres récentes de Jean Degottex, notamment les « Spacifiques » tandis que quelques danseurs de la compagnie de Merce Cunningham accompagné de John Cage sont invités à se produire au milieu des œuvres le 28 mai 1970.
Une réplique en bois d’un des éléments de la triple coupole d’une superficie au sol de 55 m2 est réalisée et disposée dans une des salles avenue du président Wilson. À l’intérieur trois « Spacifiques » de Jean Degottex ont été accrochées tandis que dans d’autres salles se développent « les Horspaces, en dix éléments de 2,80 m de haut sur châssis de 10 cm d’épaisseur en forme de fenêtre romaine fendue d’une rainure verticale s’élargissant et s’encastrant davantage d’une toile à une autre ».
L’exposition suscite des articles dans les magazines d’art et des reportages photos à Saint-Julien-du-Sault. Des visites des trois coupoles s’organisent et enthousiasment, suscite des visites. Elles génèrent des désirs de maison sans pour autant entrainer des commandes fermes.
Jean Daladier et ses collaborateurs, Henri Delekta et Jean Nicolas, n’en continuent pas moins d’élaborer des projets, d’expérimenter et de construire un troisième prototype à la forme de géode. Avec néanmoins toujours l’obligation humiliante de n’être visible de nulle part.
Source Christine Coste - Dossier de présentation pour la DRAC Bourgogne
Ces maisons expérimentales de Jean Daladier (dans le bois de Sèves entre Bussy-le-repos et Saint-Julien-du-Sault) sont aujourd'hui inscrites ou classées aux monuments historiques. Il est donc possible de les visiter à l'occasion des journées du patrimoine. Vous pouvez également les visiter toute l’année sur rendez-vous.